Résumés

Cours
  • Abbas Benmamoun: Questions générales et théoriques dans l'étude des LH 

Le parcours des locuteurs de LH est généralement caractérisé par une exposition précoce (parfois limitée) à leur LH, par une transition vers la langue dominante dans la communauté et la société, et par une perte ou attrition de divers aspects de la L1/LH. Des travaux récents sur les LH ont revitalisé des débats portant sur des questions posées depuis longtemps en linguistique théorique et en acquisition du langage, par ex. la notion de locuteur natif, le rôle de l’input, les universaux du langage, le rôle du contact de langues et du transfert, l’acquisition L2 et L3 etc. Dans ce cours, nous discuterons les principaux aspects morphologiques, morphosyntaxiques et syntaxiques des LH et contrasterons les locuteurs de LH avec les locuteurs natifs et les apprenants L2.

  • Silvina Montrul : L’acquisition des LH

Les locuteurs de LH sont des individus exposés à une langue minoritaire dans le milieu familial depuis l’enfance, mais éduqués de façon prédominante dans une langue majoritaire dans la société. Le développement linguistique des locuteurs de LH est pertinent pour la linguistique, l’éducation et les politiques linguistiques. Ce cours offrira un aperçu des recherches récentes et questions centrales dans le domaine émergent de l’acquisition des LH. L’objectif sera de discuter et comprendre la recherche empirique sur la nature de la compétence linguistique des apprenants de LH, le traitement et l’usage de la langue minoritaire, et de comprendre les besoins linguistiques spécifiques de cette population. Les sujets abordés incluent: culture et identité dans diverses communautés de LH, acquisition L1, L2 et bilingue de l’enfance à l’âge adulte, rôle de l’école dans le maintien et la perte de la LH, nature de la connaissance linguistique des locuteurs adultes de LH, comparaison des apprenants de LH et des apprenants L2, apprenants de LH en classe, implications pour les programmes de langue et les politiques linguistiques. Le cours se consacrera principalement à  la discussion d’études de cas et d'études expérimentales portant sur des locuteurs de  différentes langues d'héritage (espagnol, russe, français, anglais, allemand, arabe, turc, coréen, japonais, etc.) et de contextes sociolinguistiques variés, dans différentes perspectives théoriques (théorie syntaxique, théorie phonologique, psycholinguistique, neurolinguistique, sociolinguistique)

  • Maria Polinsky : Les LH d’une perspective théorique et expérimentale

Ce cours porte sur les LH et leurs locuteurs – des individus qui sont élevés en parlant une langue minoritaire à la maison mais qui sont exposés à une langue dominante, majoritaire, à l’extérieur de la maison. Cette langue dominante devient leur langue principale lors de l’adolescence et à l’âge adulte. La langue minoritaire, malgré le fait qu’elle soit la première dans l’acquisition, n’est pas apprise en totalité; c’est cette langue incomplètement acquise qui est appelée LH. L’étude des LH offre aux chercheurs un nouvel outil permettant de comprendre de quelle façon une grammaire peut être acquise avec un input minimal : qu’est-ce qui constitue la grammaire « nue », qu’est-ce qui constitue un input suffisant, même minimal, et quels sont les domaines forts et vulnérables dans la langue ?

  • Henry Davis & Lisa Matthewson : Explorations en syntaxe et sémantique des langues du Pacifique Nord-Ouest

Ce cours est l'occasion d'aborder les défis et opportunités qu'offre l'étude de problèmes syntaxiques et sémantiques complexes dans les langues indigènes en danger de la région nord-ouest d'Amérique du Nord côté Pacifique (entre autres les familles de langue salichéenne et tsimshianique). Après une introduction à ces langues, nous examinerons en détail quatre thèmes: la quantification, le temps, la modalité et le focus. Pour chacun, non seulement nous présenterons nos résultats et leurs implications théoriques, mais nous discuterons aussi des méthodologies de terrain que nous avons utilisées pour arriver à nos conclusions. Le cours s'adresse largement à des chercheurs de terrain, à ceux qui travaillent sur des langues sous- étudiées, et à tous ceux qui sont intéressés par des questions méthodologiques en syntaxe et en sémantique.

Ateliers

  • Outi El-Bat : Principes universels en phonologie 

Les principes universels, qu'est-ce que c'est? C'est la première question que nous poserons dans cet atelier, sachant que la notion de principes universels fait l'objet d'interprétations différentes. S'agit-il de principes spécifiques au langage ou de principes cognitifs généraux? L'apprenabilité des principes universels est-elle facilitée par un mécanisme biologique ou repose-t-elle uniquement sur un calcul statistique? Il est souvent difficile de séparer les principes universels des effets de fréquence parce que les structures phonologiques promues par les principes universels sont souvent celles qui sont les plus fréquentes dans les langues. Nous poserons les conditions nécessaires à la défense des principes universels et illustrerons ceci par des exemples en acquisition de langue et en psycholinguistique. Enfin, nous envisagerons les principes universels dans le cadre d'une linguistique d'héritage, en nous demandant comment ce champ de recherche peut contribuer au débat.

  • Bèrtran Ôbrée : Langues minoritaires locales : le cas du gallo

Le gallo est la langue romane de la Haute-Bretagne. Nous allons aborder des sujets concernant l’étude de cette langue et son adaptation au contexte moderne où l’usage de l’écrit s’est généralisé dans la vie quotidienne de tout un chacun. Au programme :

    • Présentation du gallo et de sa situation sociale et politique.
    • Enquêtes orales pour l’étude linguistique du gallo.
    • Quelques caractéristiques de la phonologie du gallo.       
    • Problèmes orthographiques et stratégies développées par Chubri.
  • Anne Dagnac & Mélanie Jouitteau : Transmission syntaxique en contexte ultraminorisé: étude de cas en breton et picard

Mélanie Jouitteau et Anne Dagnac présentent deux études de cas de transmission intergénérationnelle de faits syntaxiques rares en langues celtiques et langues romanes, dans des contextes socio-linguistiques où les locuteurs reçoivent un contre-input massif de la langue dominante standard et/ ou du français et un stimuli appauvri dans la langue cible. La première étude de cas montre comment des faits dialectaux syntaxiques rares, décrits pour la première fois, sont transmis de la génération des locuteurs traditionnels à celle de leurs petits-enfants.  Le premier phénomène est l'accord verbal avec un sujet qui le suit (Plougerneau), le second est le liage de différents pronoms possessifs par le morphème d'accord impersonnel (Lesneven/Kerlouan), et le troisième est l'idiosyncrasie profonde de de la dérivation des noms collectifs par les singulatifs et les doubles pluriels. Aucun de ces faits ne sont décrits dans les grammaires actuelles, leur inverse est prescrit.    La transmission est mise en évidence malgré les contre-données massives de la langue standard, du système éducatif et de la documentation disponible. Ceci est particulièrement spectaculaire étant donné la génération intermédiaire de locuteurs qui est ou monolingue en français, ou locuteurs non-natifs en breton, et le temps restreint d'exposition des enfants aux anciens. L'hypothèse avancée est que les enfants se laissent plus influencer par les structures syntaxiques produites par les locuteurs traditionnels, et opèrent une discrimination envers les locuteurs insécurisés, les non-natifs ou les locuteurs de variétés voisines. La seconde étude est basée sur le picard, une des langues d'oïl qui ont co-existé pendant des siècles avec le français, souvent assimilées avec ses variétés sociales ou régionales avec lesquelles il forme pour grande partie un continuum.  Le picard montre des traits syntaxiques originaux : certains partagés avec d'autres langues d'oïl, certains uniquement par différents dialectes d'une même langue d'oïl, alors que d'autres sont particuliers à une localité. Ceci ouvre une série de questions, dont celle de la traçabilité de leur transmission. Les phénomènes ultra-locaux sont-ils les témoins d'un phénomène plus largement répandu qui aurait régressé sur d'autres endroits? Sont-ils le noyau d'une dissémination partielle? Ont-ils été transmis uniquement localement? Nous discuterons les ressources et moyens de cette enquête, ainsi que leurs limites respectives. Dans cette perspective, nous examinerons trois propriétés de différentes échelles géographiques qui pourraient, à première vue, être corrélés syntaxiquement. (i) la présence d'un complémenteur doublement rempli (Doubly Filled Comp, DFC) dans les questions wh comme en (1), dans laquelle l'élément wh  est suivi d'un complémenteur, un trait commun à la plupart des dialectes d'oïl; (ii) la présence d'un complémenteur suivant un autre item, par exemple un adjoint comme en (2), construction plus rare dans les variétés d'oïl (iii) Les constructions à double complémenteur (Double Complementizer Constructions, DCC), dans lesquelles deux instances de complémenteurs forment un constituant de la périphérie gauche comme en (3), trouvé uniquement dans un sous-dialecte du picard.    

  1. [u     k     tə    vˈɑː], Où que te vas ? (ALF5)                    [DFC]
  2. [kã      k     õ̜n  e     swɛ   õ̜n   e     l gozje     sɔː], Quand qu’on a soif on a le gosier sec (ALF7)   [X que]
  3. Car v’là     qu’  tout     près     d’ nous     qu’ all’     s’avanche (R89)                 [DCC]
  • Ricardo Etxepare : Propriétés (faibles) émergentes dans le contact de langues 

Quelques-uns des travaux les plus récents sur le contact de langues nous offrent des illustrations frappantes de ce que l'on pourrait qualifier d'émergence faible (Bedau 1997) dans le domaine du développement langagier : des cas où la résultante grammaticale du contact linguistique consiste en propriétés qui sont inattendues du point de vue des systèmes linguistiques en interaction. Ainsi un travail comme celui d'Aboh (2015) montre de façon convaincante qu'une part substantielle de la structure syntaxique des créoles (un cas extrême de changement induit par une situation de contact) résulte de la recombinaison sélective de traits syntaxiques rendus accessibles par les langues impliquées dans la situation de contact, d'une façon nouvelle au regard des langues sources mais guidée toutefois par des contraintes générales sur les configurations syntaxiques. On observe aussi des propriétés faibles émergentes dans des travaux récents sur l'alternance codique, comme dans l'utilisation bien documentée des constructions à verbe léger qui ne sont par ailleurs attestées dans aucune des langues présentes dans l'alternance (ex. Vilbrazo et Lopez, 2011; Veenstra, 2016). On observe l'émergence de propriétés similaires dans le domaine de la phonologie intonatoire : les locuteurs bilingues de l'espagnol et du quechua ont développé un type régional d'espagnol andin propre, avec un schéma intonatif particulier pour les phrases focalisées de leur espagnol qui ne ressemble ni à celui du quechua, ni à celui des variétés environnantes d'espagnol (Lipski, 2012). L'émergence faible est une forme particulièrement nette du problème, central pour la linguistique générative, de la pauvreté du stimulus, et une illustration du rôle structurant des principes grammaticaux dans le développement langagier bilingue. L'atelier constituera une vitrine des travaux menés dans cette perspective et un forum pour discuter des facteurs pertinents impliqués dans le changement par contact ainsi que des modèles théoriques nécessaires à son explication.

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